Accueil > CHRONIQUES 

AUTRES CHRONIQUES 

> "La visite du Salon des vins de Loire d'Olivier Poussier" ...»

> "Le terroir, c'est la terre coiffée du ciel" 
...»»

> "On ne peut faire un bon vin  que dans un bel endroit" 
...»»

> " VIN DE BOHÈME " de Joanne Harris
...»»

SPOC !  Une créativité depuis trois siècles ! 

Par Jean Luc

C'est un instrument familier qui passe inaperçu. 
Il a souvent le rôle ingrat d'être un figurant.
Il est pourtant indispensable aux bons repas et aux vrais moments de convivialité. 
Il suffit qu'il manque pour créer une situation de crise dans les chaumières. 
Le Petit Robert le définit comme un "instrument, formé d'une hélice de métal et d'un manche, qu'on enfonce en tournant dans le bouchon d'une bouteille pour le tirer ". 
Vous avez reconnu le tire-bouchon !

Il est présent dans toutes les maisons avec une préférence pour la cave où il a souvent une place réservée. Il trône généralement au milieu de quelques uns de ses trophées : de simples bouchons rougis et rabougris ou, de plus fameux qui arborent encore fièrement les armoiries d'un château prestigieux. 
Pas de quoi en faire un plat, me direz-vous !

J'aurais partagé sans sourciller cette appréciation il y a encore quelques semaines mais j'ai désormais une toute autre vision de la chose. Et pour cause, coup sur coup, j'ai visité le musée du tire-bouchon (eh oui !), et on m'a offert pour mon anniversaire un petit livre dont le sujet est uniquement le tire-bouchon. Je me suis dit que ces coïncidences méritaient tout au moins un témoignage de sympathie pour ce compagnon injustement méconnu et pourtant riche d'une histoire plus que centenaire. 

Sachez donc que les premiers tire-bouchons datent du 18ème siècle (le Petit Robert date l'apparition du mot de 1718 précisément !) et que c'est une invention vraisemblablement anglaise (n'en déplaise à notre amour propre !). Le premier brevet concernant un tire-bouchon fut déposé en 1795 par un anglais, Samuel Henshall. 

Parler de tire-bouchon au singulier est très réducteur, il existe en effet une multitude de types de tire-bouchons. Mais, d'abord, il faut évoquer la mèche qui peut être une vis d'Archimède, en queue de cochon, à section ronde, cannelée ou non, à pas plus ou moins rapproché, pleine ou non, à pointe centrée ou non, à spires plus ou moins déliées et inclinées. Lorsque la mèche s'utilise dans le sens des aiguilles d'une montre, le tire-bouchon est dextrogyre, pour droitier. Dans le cas contraire, il est lévogyre, pour gaucher.

Les tire-bouchons les plus simples sont dits en T avec une mèche fixée à un manche, ou à lames permettant de ne pas abîmer le bouchon (très populaires au 19ème siècle). Le manche peut prendre les formes les plus diverses : anneau, arc, ancre, animal, personnage. Il peut être menaçant (revolver) ou même prendre une forme érotique (sexe, jambes de dame). Il peut être pliable, en 2 pièces ou muni d'un étui protégeant la mèche pour les modèles de poche. Ces modèles demandent un effort physique non négligeable réservé généralement aux hommes (d'où l'image virile !). Ils permettent de produire un son caractéristique qui stoppe les conversations, allume les pupilles et fait battre plus fort les cœurs. (Spoc !)

Les tire-bouchons dits à mécanismes sont également nombreux, ils sont généralement munis d'une cage (ouverte ou fermée) ou d'une cloche qui s'appuie sur le goulot de la bouteille. Les mécanismes peuvent être à hélice, à vis (en acier ou en bois), à crémaillère ou même sur le principe du moulin à café. Ces mécanismes permettent de réduire l'effort physique et évitent une agitation préjudiciable aux vieux vins. 

Autre type très populaire, les tire-bouchons dits à leviers avec les célèbres limonadier ou sommelier, l'instrument favori des garçons de café, mais également les tire-bouchons en accordéon (le fameux zig-zag). 

Les tire-bouchons multi fonctions sont également très répandus, les plus anciens sont associés à des passe-lacets, tire-boutons, cure-oreilles, clefs d'horloge… les plus récents à des couteaux et des décapsuleurs, à l'image du couteau de poche et du couteau suisse. Le Leatherman américain a du lui ajouter un tire bouchon à sa panoplie pour "percer" en Europe.

Cette courte évocation ne donne qu'un petit aperçu de l'ingéniosité, la créativité et l'humour qui se dégagent de l'évocation du tire-bouchon à travers les âges. Les plus précieux sont en or ou argent, à poignée de nacre ou finement ciselée. Les plus farfelus font sourire. Et on se surprend à penser que la diversité d'un instrument aussi familier est somme toute bien à l'image du vin et de la vie. 

Je vous recommande donc un détour par le musée du tire-bouchon, au Domaine de la Citadelle (Ménerbes, dans le Luberon), vous pourrez accessoirement y goûter des vins très intéressants. Le petit livre de Frédérique Crestin-Billet " La folie des tire-bouchons " (Flammarion) peut être une remarquable introduction. On y apprend d'ailleurs qu'il existe un autre musée passionnant sur le sujet : le musée Le Secq des Tournelles, à Rouen, et qu'il y a un responsable des ventes de tire-bouchons chez Christie's !

Au fait, votre tire-bouchon, il est de quel type ? 
Spoc !